Neige exceptionnelle de décembre 2010
Records de froid et de neige, un mois inédit depuis 40 ans
L’hiver 2010/2011 débute avec quelques jours d’avance sur le calendrier puisque une offensive froide et neigeuse se met en place dès la fin novembre. Entre le 22 et le 25 novembre 2010, la neige tombe dans un premier temps sur le relief des Vosges, avant de se généraliser aux zones de plaine.
Entre le 26 et le 29 novembre, il neige faiblement, mais quotidiennement, et la couche au sol atteint 6 cm à Strasbourg, 7 cm à Nancy, 9 cm à Épinal et 10 cm à Remiremont et à l’aéroport de Bâle-Mulhouse.
En altitude, l’enneigement est également très généreux pour la période de l’année avec 35 cm relevés à Rupt-sur-Moselle le 29 novembre, 44 cm à Gérardmer le 30 novembre, 53 cm au-Haut-du-Tôt et jusqu’à 60 cm sur les crêtes.
La photo ci-contre, prise le 26 novembre 2010 atteste d’un enneigement d’une cinquantaine de centimètres à une altitude de 850 mètres dans la vallée de la Moselle, à Ferdrupt.
Le reste de la France n’est pas épargné par ces épisodes neigeux intenses de la fin novembre, puisque 20 à 30 cm sont mesurés dans la région d’Orléans, et jusqu’à 60 cm en Normandie, du jamais vu ! Le 1er décembre, un nouvel épisode remarquable touche même le centre-est du pays avec 38 cm à Chambéry, 27 cm à Grenoble, 25 cm à l’aéroport de Lyon St-Exupéry, 22 cm à Ambérieu ou encore 17 cm à St-Etienne. Face à l’urgence de la situation, une partie des stocks de sel de notre région est alors réquisitionnée et envoyée aux zones les plus touchées, réduisant fortement nos stocks pour la suite de la saison hivernale.
L’image ci-dessus présente le positionnement des différents centres d’action (anticyclones et dépressions) sur l’Europe le 28 novembre 2010. L’anticyclone positionné sur l’Islande et le Groenland est responsable du décrochage polaire apportant froid et neige sur l’Europe de l’ouest de façon durable.
C’est donc un mois de décembre 2010 exceptionnellement neigeux que nous subissons. En l’espace d’un mois, on comptabilise 19 journées avec occurrence de neige à Épinal et à Strasbourg, 5 fois plus que la normale ! A Gérardmer, on observe même 23 jours avec chutes de neige au cours de ce mois de décembre ! Toutes ces valeurs constituent encore aujourd’hui des records absolus : jamais il n’avait neigé autant de journées en l’espace d’un seul mois.
Nos stocks de sels ayant été fortement réduits fin novembre, les services de déneigement ont logiquement rapidement été débordés face à l’ampleur de la situation exceptionnelle et les rues en ville n’étaient plus déneigées. D’autant plus que ces chutes de neige de décembre 2010 n’ont pas été uniquement rapprochées, elles ont aussi été intenses. Par exemple à Épinal, on mesure 26 cm de neige le 19 décembre au matin, que le redoux fait fondre entièrement en l’espace de 48 heures, avant que l’on mesure à nouveau 18 cm de neige fraîche le 26 décembre ! Ces deux épisodes exceptionnels se sont succédé en moins d’une semaine et sans ce redoux intermédiaire, la situation aurait pu devenir autrement plus historique. La même situation se produit un peu plus au Nord à Nancy-Ochey avec un premier épisode à 22 cm, suivi d’un autre une semaine plus tard à 16 cm. En centre-ville de Nancy, on relève jusqu’à 16 cm le 19 décembre, avant une fonte totale du manteau neigeux et à nouveau 15 cm le jour de Noël.
Pour expliquer la multiplication de ces phénomènes intenses, il faut regarder la situation de blocage générale (carte ci-jointe, situation du 18/12/2010) qui s’est mise en place à partir de la mi-décembre 2010. La goutte froide reste isolée entre les Îles Britanniques et le nord de la France et génère une dizaine de jours particulièrement hivernaux, avec des épisodes neigeux quasi-quotidiens sur le nord de la France jusqu’à Noël. L’épisode du 19 décembre est de loin le plus important à l’échelle du pays, avec 6 000 personnes bloquées à l’aéroport de Roissy. En Alsace, le paroxysme de ces épisodes neigeux a lieu la veille de Noël, avec un retour d’Est provoquant d’abondantes chutes de neige. On mesure au matin de Noël jusqu’à 26 cm en plein centre-ville de Strasbourg.
Au profit d’un ciel parfaitement dégagé le nuit suivante, les températures chutent à des niveaux remarquables.
-14,0 °C à Gérardmer (88)
-14,1 °C à Neufchâteau (88)
-14,6 °C à Volmunster (57)
-15,1 °C à Dommartin-aux-Bois (88)
-15,1 °C à Villé (67)
-15,3 °C à Metz-Nancy-Lorraine (57)
-15,9 °C à Nancy-Essey (54)
-16,3 °C à Sélestat (67)
-16,7 °C au Roulier (88)
-16,9 °C à Mulhouse (68)
-17,5 °C à Epinal (88)
-17,9 °C à Colmar-Meyenheim (68)
-18,4 °C à Strasbourg-Entzheim (67)
-18,5 °C à Roville-aux-Chênes (88)
-18,5 °C à St-Maurice (54)
-19,6 °C à St-Ouen-les-Parey (88)
-22,5 °C à Buhl-Lorraine (57)
En plus d’avoir été exceptionnellement neigeux, décembre 2010 s’est également démarqué par une moyenne des températures mensuelles extrêmement basse. Avec un déficit moyen de 4 °C sur l’ensemble du mois, il faut remonter à 1969 et 1933 pour retrouver un mois de décembre plus froid. En d’autres termes, en plus d’avoir été le mois le plus neigeux de l’histoire, décembre 2010 fut également le mois de décembre le plus froid depuis 40 ans. A Nancy et Strasbourg, très peu de journées ont vu la température atteindre ou dépasser les normales (zones rouges sur les graphiques qui suivent) entre le 19 novembre 2010 et le 5 janvier 2011.
Dans un contexte de réchauffement global, décembre 2010 fait donc office de véritable OVNI météorologique. Avec un mois de février 2010 qui avait déjà été remarquablement neigeux, 2010 devient de loin l’année la plus neigeuse depuis le début des mesures, il y a plus de 60 ans. Grâce à des relevés fiables sur Remiremont depuis 1961, nous disposons en effet d’une longue série de données concernant les occurrences de neige dans la commune. La tendance est à une nette raréfaction du nombre de jours de neige, avec en moyenne un jour de neige en moins tous les 6 ans. Par ailleurs, les spécialistes de l’évolution du climat estiment que pour chaque degré de réchauffement au niveau mondial, nous perdrons environ un mois de durée d’enneigement à moyenne altitude. Il ne fait aucun doute que nous connaîtrons toujours à l’avenir des épisodes neigeux dans les Vosges, mais la question de leur nombre et de leur intensité est aujourd’hui clairement posée. Il n’est par exemple pas acquis que nous soyons amenés à revivre des épisodes de type 2010 d’ici la fin du siècle…