2015, le lac de Pierre-Percée au plus bas
-17 mètres, résultat de deux années de sécheresse
En cette fin d’année 2015, les promeneurs qui déambulent autour du lac de Pierre-Percée (54) ont du mal à en croire leurs yeux. Foulant les sols craquelés et habituellement recouverts d’eau, ils peuvent contempler médusés le lac qui se situe 17 mètres sous son niveau maximal. Ce niveau constitue un record historique, un mètre plus bas que lors de l’année 2003. Un réel danger guette d’ailleurs ceux qui s’aventurent plus bas, puisque sur les « plages » habituellement immergées, de nombreux glissements de terrain ont été observés depuis plusieurs jours et des sables mouvants peuvent même coincer les promeneurs dans la vase jusqu’au ventre ! En décembre 2015, les zones dangereuses restent plutôt bien visibles mais la situation inquiète les autorités en cas de chutes de neige qui viendraient alors à tout recouvrir dans les prochaines semaines…
Cette situation exceptionnelle et inédite est la conséquence directe de deux années de sécheresse bien marquées qui a atteint son paroxysme en décembre 2015 avec un déficit de précipitations de près de 75 % sur le mois ! Cette sécheresse s’étire sur une durée inquiétante puisqu’en 2014, 6 mois sur 12 se situent nettement sous les normales de saison concernant les précipitations, alors qu’en 2015, c’est carrément 7 mois sur 12 qui ont été bien trop secs. A la station météo de Kruth (68), ouverte depuis 1995 et réputée pour ses cumuls de pluies très marqués avec 1890 mm d’eau par an en moyenne, cette année 2015 n’a vu que 1287,5 mm tomber dans le pluviomètre, soit un déficit de près d’un tiers. C’est la première fois qu’une valeur annuelle aussi basse est mesurée. A l’échelle de la région, il faut remonter à 2003 et 1991 pour retrouver un tel niveau de sécheresse. Sur certaines stations, le déficit de 2015 est même inédit depuis la grande sécheresse de 1976.
Malgré la succession de mois trop secs, on constate sur le graphique ci-contre représentant l’humidité des sols que la situation est encore largement sous contrôle en mai 2015. Une nette dégradation s’opère durant les mois de juin et juillet qui se révèlent être moitié moins pluvieux que la norme. Durant tout le mois d’août, nous flirtons avec les records secs d’humidité des sols. Le record est d’ailleurs atteint début septembre. Deux gros épisodes pluvieux mi-septembre et fin novembre permettent de remonter temporairement les indices, mais pas suffisamment pour repasser au-dessus des normales. La situation est clairement trop fragile fin novembre, quand arrive ce mois de décembre 2015 extrêmement sec. A nouveau des records de sols secs pour la période de l’année sont donc atteints pour la fin d’année et expliquent donc ces photos impressionnantes prises le 28 décembre 2015.
Le lac de Pierre-Percée est un lac artificiel retenu par un barrage construit entre 1981 et 1985 et qui a pour but d’assurer les besoins en eau de la centrale nucléaire de Cattenom. Les 4 réacteurs de cette centrale située 130 km plus au nord, en Moselle, sont refroidis par les eaux du fleuve Moselle. L’eau du lac de Pierre-Percée est donc censée palier les baisses de débit de la Moselle en période sèche. Le choix de construction du barrage dans le massif des Vosges s’explique par les quantités de précipitations plus importantes qu’il y tombe lors des périodes de recharges hivernales. Dans un contexte d’évolution du climat, on se rend compte de la fragilité de ce type de structures, très sensibles aux épisodes de sécheresses prolongées. Si la situation de fin 2015 s’est soldée rapidement par un retour à la normale en 2016, grâce à d’abondantes précipitations, on peut se demander si ce sera le cas lors d’un prochain épisode intense. Pour information, le lac de Pierre-Percée pourrait en théorie descendre au total de 37 mètres, soit encore 20 mètres sous le niveau record atteint en 2015.